Centrale nucléaire du Bugey : le projet d'EPR2 est prévu à proximité immédiate, le long du Rhône.
DD
En plein renouveau, le nucléaire se prépare à une relance que personne n’imaginait il y a encore quelques années. En Auvergne Rhône-Alpes, berceau français du secteur, les entreprises de la filière mais aussi les collectivités sont dans les starting-blocks.
Les actualités se multiplient autour de la filière nucléaire : débat public en cours sur la construction d’une paire de réacteurs de nouvelle génération (EPR2) à Bugey, après ceux de Penly (Normandie) et Gravelines (Hauts-de-France) pour un total d’au moins 50 milliards d’euros ; nomination d’un nouveau Pdg cher EDF (Bernard Fontana) ; construction par Newcleo (200 personnes à Lyon) d’un centre d’innovation dans le Gard pour ses mini-réacteurs nucléaires au Mox, etc. Après un sérieux trou d’air, le nucléaire rebondit. Et pas seulement en France : la Chine a annoncé la construction de cinq à huit réacteurs nucléaires par an d’ici 2030. Dans le monde, 63 réacteurs de grande puissance sont en construction, selon l’AIE.
Ne pas répliquer les erreurs de Flamanville
En région lyonnaise, l’ensemblier industriel Boccard (tuyauterie, chaudronnerie ; 4 000 personnes) est intervenu dans quasiment tous les programmes nucléaires français. Il gère aujourd’hui 18 sites de maintenance dans l’Hexagone. Dans le cadre d’un débat organisé le 26 mars dernier par Syntec à Lyon, Philippe De Almeida, directeur nucléaire France chez Boccard, rappelait les enjeux des projets actuels pour son entreprise : « Dans une paire de réacteurs EPR2, il faut compter près de 150 kilomètres de tuyauterie ! Vous comprendrez que pour nous, de tels marchés sont très importants. D’autant qu’on commence à évoquer huit EPR2 supplémentaires ». Mais un challenge pointe son nez, suite aux expériences malheureuses de l’EPR de Flamanville (gros retards et explosion des coûts). « Tout le monde nous attend au tournant. Il ne faudra pas reproduire Flamanville qui a été un vrai électrochoc. Il ne faudra commencer les nouveaux grands chantiers que quand nous serons tous prêts ! ».
Framatome va recruter massivement
Framatome n’est pas en reste. Le concepteur de chaudières nucléaires et d’assemblage de combustibles est un acteur central dans la région avec 5 000 personnes sur les 14 000 qu’il emploie en France (20 000 dans le monde). Son plus gros site auralpin est basé à Lyon (2 400 personnes) mais il est aussi présent à Grenoble (ex-Rolls-Royce Nuclear ; Corys), dans la Drôme à Saint-Vallier (Vanatome ; 100 personnes) et Romans (assemblage de combustible chez Cerca et FBFC), en Isère à Jarrie ainsi qu’en Savoie à Ugine (pièces en zirconium).
« Chez Framatome, on se prépare à l’EPR2 depuis 2019 ! » affirmait quant à elle Marie-Edith Robin. Il faudra être prêt et faire bien du premier coup ». Une première cuve et un premier générateur de vapeur sont déjà en fabrication. « Nous avons lancé un plan d’investissement industriel qui nous permettra de passer à une capacité de production de 1,5 EPR à 2 EPR par an, notamment sur nos sites de Saône-et-Loire (Le Creusot et Saint-Marcel) et du nord (Maubeuge). Nous aurons à recruter 2 500 personnes par an dans le monde au cours des prochaines années, dont 1 800 en France et près de 800 en Auvergne Rhône-Alpes ».
Un enjeu de territoire
À Bugey, à proximité de l’actuel site nucléaire, les travaux de construction des deux EPR2 pourraient théoriquement commencer en 2027 pour une mise en service vers 2040-2045. Le temps long du nucléaire...
Les besoins de recrutement vont donc générer d’autres enjeux majeurs, pour la filière certes mais aussi pour le territoire. Comme le rappelait Fabrice Gravier, coordonnateur des EPR2 de Bugey à la Préfecture de Région, « un programme comme celui des deux EPR2 à Bugey, c’est un afflux de 8 000 salariés dont 1600 ingénieurs, uniquement pour le chantier lui-même ». Autant dire que les effets locaux ne seront pas négligeables en termes de logements, de circulation routière, d’écoles ou d’infrastructures. Les collectivités devront répondre présent. Un projet de pont routier sur le Rhône, entre l’Ain et l’Isère, est d’ailleurs à l’étude.
Aider les PME du nucléaire à grandir
En France, le nucléaire fournit de l’activité à une kyrielle de concepteurs, fabricants, sous-traitants et autres sociétés de maintenance. De grosses entreprises mais pas seulement.
Fin mars, Bpifrance et la Direction Générale des Entreprises (Etat) lançait la 2e promotion de l’Accélérateur Nucléaire, un programme de formation et conseils destiné à booster la croissance de 24 entreprises françaises de la filière. Parmi elles, une bonne partie est installée en Auvergne Rhône-Alpes : ADTE (Ain ; armoires électriques) ; Axeriel (Isère : équipements électrotechniques) ; DG Skid (Rhône ; unités process fluidiques) ; Eutectic (Loire ; équipements sous pression) ; Fayolle (Haute-Loire ; chaudronnerie industrielle), Groupe Gami (Rhône ; équipements industriels) ; Ouvry (Rhône ; équipements de protection et de décontamination) ; Pichon (Loire ; construction mécanique) ; Techmeta (Haut-Savoie ; machines de soudage) ; Groupe VP (Loire ; pièces et outillage en acier).