Des camions à pantographes roulant à l'électricité sur autoroute : illusion ou voie d'avenir ?
Donatelle Liens
Véhicules électriques, autonomes, téléphériques urbains, rêves d’Hyperloop : le transport de personnes et de marchandises alimente l’imagination des développeurs en tous genres, à la recherche de solutions moins polluantes et plus efficaces. Le projet d’autoroute électrique, présenté dans une étude réalisée par le cabinet indépendant Carbone 4 (1), n’est pas le moins original (2).
Ce projet est porté par un pool de partenaires composé de la société ATMB (Autoroute et Tunnel du Mont-Blanc), d’Engie, d’Ineo, d’EDF, de Geodis, de Vinci Autoroutes et d’un constructeur de poids lourds qui préfère ne pas dévoiler son identité.
L’idée est de permettre aux camions de rouler à l’énergie électrique sur autoroute, solution bas carbone s’il en est. Problème : les batteries embarquées, sur lesquelles reposent voitures électriques et autres véhicules de fret urbain, ne sont pas utilisables par les poids lourds circulant sur de longues distances. Dotée d’une autonomie trop faible ne répondant pas à la puissance nécessaire, elles sont trop lourdes et demandent un espace de stockage à bord du camion trop important…
Des autoroutes équipées de caténaires ?
D’où le scénario étudié par Carbone 4 : équiper les autoroutes d’une alimentation électrique par caténaire ! Les poids lourds, dotés de pantographes rétractables, fonctionneraient alors comme les trains et les tramways, ponctionnant l’électricité directement sur les câbles surplombant la voie la plus à droite de la chaussée. Et basculeraient sur leur moteur thermique en quittant l’autoroute.
Le concept repose sur un certain nombre de conditions. En premier lieu, la construction d’une infrastructure nouvelle pour un coût évalué à 3 milliards d’euros, afin d’électrifier les quelque 3.200 kilomètres (un tiers du réseau des autoroutes concédées) sur lesquelles la circulation dépasse les 5.000 camions/jour. Et donc un indispensable soutien financier des pouvoirs publics. Ensuite, la désignation d’une entreprise chargée de la gestion de cette infrastructure dont l’usage serait payant. Enfin, une flotte de camions à moteur hybride, autre surcoût pour les transporteurs… compensé théoriquement par les économies réalisées sur le carburant.
Les premières expérimentations
Plusieurs expérimentations ont déjà eu lieu ou sont en cours avec des camions à pantographe. Siemens, par exemple, a travaillé avec Scania, Volvo/Mack et Mercedes sur des tests grandeur nature réalisés en Allemagne, en Suède et en Californie. Et d’autres solutions sont envisagées, comme l’alimentation électrique par rail au sol, déjà utilisée par Alstom sur des réseaux de tramway. Le canadien Bombardier travaille quant à lui sur une alimentation inductive, à partir de bobines magnétiques intégrées dans la chaussée.
Certes, l’autoroute électrique n’est pas une innovation de rupture. Est-elle pour autant une fausse piste ? Moins coûteuse que l’autoroute ferroviaire qui n’a jamais dépassé le stade des bureaux d’études, elle mérite d’être poussée plus loin. Pour ATMB et la vallée de Chamonix confrontée à une pollution atmosphérique récurrente, le sujet n’est pas à négliger.
(1) Selon l’étude de Carbone 4, l’équipement de 3.200 km d’autoroutes en caténaires permettrait de réduire les émissions de CO2 de 30 millions de tonnes en vingt ans. A raison d’un investissement de 3 milliards d’euros assuré par l’Etat ou l’Europe (l’équivalent de l’investissement annuel sur l’ensemble du réseau ferroviaire français, ou encore du montant du Plan de relance autoroutier récemment entamé), ce coût serait donc ramené à près de 100 euros la tonne de CO2.
(2) Lire aussi l’étude du ministère de l’Environnement : « Concept d’autoroute électrique, évaluation socio-économique », janvier 2017.
Cet article a été publié dans le numéro 2286 de Bref Eco.