Olivier Hamant
© DR
Olivier Hamant est biologiste, directeur de recherche INRAE au laboratoire de reproduction et de développement des plantes au sein de l’ENS de Lyon. Ses travaux de recherche sur le vivant et la robustesse développée par les plantes inspirent la sphère économique.
Dans un monde en pleine évolution où les polycrises se succèdent, il ne faut pas s'adapter, il faut être adaptable », lance Olivier Hamant. Son affirmation découle de ses recherches dans le domaine du vivant et des plantes. « Une plante produit des dizaines de fleurs qui ont toutes la même forme. Or, l'observation fine de leurs cellules montre qu'elles sont en fait très hétérogènes. Nous avons démontré que le vivant, en général, évolue dans une logique non standardisée, complètement contraire à celle d'une chaîne de montage optimisée. II n'a pas de programme et multiplie les plans B pour éviter d'être trop fragile. Il se construit d'abord sur ses fluctuations. »
La robustesse constitue ainsi « la valeur cardinale du vivant », selon Olivier Hamant. Il définit la notion : « La robustesse maintient un système stable, malgré les fluctuations. Le roseau plie mais ne casse jamais. La sélection qui s'opère au cours de l’évolution confère des caractères seulement satisfaisants aux êtres vivants et leur donne beaucoup de marges de manœuvres. Les êtres vivants robustes ne sont pas parfaitement adaptés, ils sont d'abord adaptables. »
Ce qui est vrai pour les plantes l’est aussi pour les humains et... les entreprises. « Il faut vivre avec les fluctuations. soutient Olivier Hamant. Cet état résonne très fort chez les humains. Nous sommes dans un monde en polycrise avec des soubresauts économiques, climatiques, sociétaux, géopolitiques... La robustesse nous éclairera dans le siècle futur. La robustesse du vivant donne une perspective. »
Il oppose cette notion de robustesse au culte de la performance qui régit la société depuis des dizaines d'années. « La robustesse est un contre-modèle puisque l'accent n'est plus mis sur l'efficacité et l'efficience. »
Vers un nouveau modèle économique
Le monde économique peut s'inspirer du végétal pour profiter de cette robustesse qui a démontré son intérêt en biologie. « Quatre grandes étapes éclaireront les entreprises qui font face à des fluctuations pour tendre vers un nouveau modèle économique basé sur la robustesse », détaille Olivier Hamant.
Première étape: faire un audit interne de robustesse. « Pensons à l'envers et listons ce qui parait être des contre-performances en entreprise pour constater comment, finalement, elles nourrissent sa robustesse. » La pause-café est parfois vécue comme un moment de non-performance mais elle crée du lien social et renforce le sentiment d'appartenance. « Elle crée de la robustesse! ». Détenir du stock coûte cher mais il est utile en cas de coup dur. « Gérer et conserver un stock crée de la robustesse ! »
Deuxième étape: passer du temps sur les questions. « Longtemps, on a passé du temps sur les réponses, les business plans et les stratégies. Dans le monde de la robustesse, des protocoles se développent au contraire pour questionner les questions, par exemple en faisant appel à des personnes externes à l’entreprise. Un projet présenté à un candide permet souvent de se rendre compte qu'on ne s'était pas posé la bonne question. »
Troisième étape : vérifier que le projet alimente les trois santés: la santé humaine, la santé sociale et la santé des milieux naturels. « Ce doit être les trois, sans exception », insiste Olivier Hamant. Une entreprise hyper vertueuse sur la gestion de l’eau, de ses déchets et de sa production qui fournit la fast fashion, « ça ne marche pas, elle n'est pas robuste, puisqu'elle continue indirectement à détruire la pérennité socio-économique du secteur et les milieux naturels! »
Quatrième étape: effectuer des tests de robustesse sur son projet. « Le chahuter par des fluctuations extérieures, comme un virus informatique qui couperait Internet pendant six mois, une hausse soudaine des coûts d'énergie. valident la robustesse du projet et sa capacité à produire un modèle économique viable dans un monde fluctuant. »
« S'accrocher au monde d'avant est source de stress. Par contre, basculer dans ce monde de la robustesse ouvre des opportunités, selon Olivier Hamant. Les PME-TPE sont en première ligne et ont déjà saisi ces opportunités. Elles tirent le système pour, ensuite, faire basculer les très grosses entreprises et les États. »